La comparaison entre des terrains et des tissus urbains pose des problèmes méthodologiques au vu de leur diversité. Pour autant, il est nécessaire de situer l’étude d’un cas au sein d’ensembles plus vastes, et de préciser à quelles conditions il peut être comparé à d’autres. Il s’agit d’éviter le principal écueil courant en la matière : celui de comparer des éléments choisis sur des critères différents. Il existe tant dans la comparaison de tissus urbains entre eux, que du choix de la bibliographie pertinente, selon les échelles d’analyse.
La tradition de morphologie urbaine qui s’est développée dans les années 1960 et 1970 principalement dans les écoles d’architectures italiennes et françaises privilégiait globalement la comparaison de tissus urbains sur des bases formelles. Il s’agissait de classer les îlots, les parcelles ou les édifices en analysant la géométrie des linéaments de l’un ou de plusieurs de ces éléments.
Cette méthode était fondée sur une longue tradition présente dans les manuels d’architecture, dont la figure de proue est Durand, mais dont l’historiographie est bien plus longue. Elle emprunte aussi aux travaux de la géographie humaine française, essentiellement sur les typologies d’habitat.
Historiographie
Nouvelles explorations
La principale différence entre notre approche et celle des travaux morphologiques menés par des architectes il y a quelques décennies, repose sur la méthode de classement des entités morphologiques de référence (îlot, parcelle, bâti) : il ne s’agit plus de comparer les formes entre elles visuellement, mais de trouver des critères statistiques de comparaison. Ce n’est certes pas un domaine qui passionne les architectes, mais il est aujourd’hui couramment utilisé en sciences humaines et sociales. Son adoption répandue en géographie et en urbanisme est également lié au fort développement des outils qui le permettent : des systèmes d’information géographiques et des logiciels de calcul statistiques permettant de brasser d’importants volumes de données.
Outre les possibilités d’automatisation ainsi ouverte, cette approche présente une certaine robustesse et autorise à reproduire le calcul ayant permis de classer les éléments. Enfin, il est couramment admis que l’administration de la preuve dans les sciences humaines et sociales, y compris historiques, repose en partie sur des bases statistiques, les distinguant en cela le champ de la recherche physique sur la matière ou la démonstration repose sur le calcul analytique et les équations. En effet, aucun phénomène dans le monde social ne peut se penser en termes déterministes, alors que c’est le cas dans les sciences physiques et mathématiques. Seule une approche probabiliste peut rendre compte des phénomènes sociaux.
Pour la comparaison à l’échelle des communes et des agglomérations, notre méthode accorde un intérêt particulier à la prise en compte de la densité dans l’analyse des processus d’urbanisation s’appuyant ainsi sur une définition de l’espace urbain utilisée dans des travaux récents relatifs à la morphologie urbaine dans une perspective diachronique.
Prenant comme point de départ le fait que « la ville est le lieu de la concentration des activités, des actions humaines « (Galiné 2000, p.24), Hélène Noizet et Anne-Sophie Clémençon proposent une liste de critères qui peuvent être mobilisés pour appréhender le fait urbain : la taille de la population, l’unité, la densité, la diversité et la matérialité. (cité in Faire ville p.49)
La densité « correspond au rapport entre une quantité d’objets […] et une unité spatiale de surface […] ». (Ibid p.51). Ainsi, dans une perspective statistique et cartographique, la notion de densité « permet d’attacher une mesure à un espace donné et par là, elle permet de faciliter la caractérisation et la comparaison des territoires ». (Baro, 2015, p. 59)
Mais la notion rassemble une diversité d’indicateurs possibles, utilisés tant dans les sciences humaines et sociales qu’en urbanisme. Le plus courant est celui qui rattache un nombre d’habitants à une surface donnée, et l’on verra qu’il peut en effet nous aider à appréhender globalement l’urbanisation différentiée de territoires dans le temps.
Mais, alors que la morphologie urbaine s’intéresse aux liens existant entre espace urbain, voirie, îlots, parcellaire et occupation du sol, la notion de densité leur a été peu appliquée. Ce n’est que très récemment que l’analyse des densités parcellaires a été explorée en archéogéographie [REF], puis transposée au sein d’analyses morphologiques diachroniques plus générales dans une perspective historienne, éclairant d’un nouveau jour l’évolution sur la longue durée du tissu urbain parisien [REF]. À notre sens, ces méthodes renouvellent donc le champ des analyses morphologiques sans pour autant oublier la tradition dont elles procèdent.
En première approche, l’évolution de la densité de population des territoires, notamment communaux, l’analyse des densités de surface des composantes du tissu urbain (îlot, parcelle, bâti) ou de celles de l’occupation du sol permettent de différencier des aires à l’intérieur de l’espace urbain. On a donc des critères permettant de repérer des tissus comparables tant dans le temps que dans l’espace.
Dans le cadre de cette recherche, l’enjeu n’est pas d’effectuer une comparaison poussée entre plusieurs communes, mais de poser les limites dans lesquelles l’étude du cas villeurbannais peut contribuer à des connaissances plus générales sur l’espace urbain et le tissu urbain des édifices publics.
