Les analyses morphologiques ont récemment connu un regain d’intérêt dans certaines agences d’urbanismes de métropoles françaises, autour notamment de ce niveau d’analyse qu’est l’îlot. Celui n’était jusqu’alors ni intégré dans les référentiels de l’IGN, ni dans ceux de l’Insee. Alors que depuis les travaux morphologiques des années 1970 à 1980, les Sig se sont beaucoup développé, offrant par la même des moyens techniques plus performants, la recherche urbaine s’est, elle aussi, peu intéressée aux croisements possibles entre ces nouveaux outils et l’héritage conceptuel de cette branche de la morphologie urbaine portant sur les relations entre voies, îlots, parcelles et bâti.
En effet, le Sig a été principalement utilisé pour visualiser spatialement des phénomènes sociaux pour lesquels les statistiques étaient disponibles (revenus, taux de chômage, etc.). Il sert aussi, plus ponctuellement, à représenter des phénomènes matériels comme les hauteurs d’immeubles moyens d’un îlot ou son occupation du sol. Mais assez curieusement, les potentiels du Sig sont assez peu exploités pour comprendre les modes de découpage du sol, qui sont au cœur de la tradition morphologique : découpage d’un territoire en îlots, découpage d’un îlot en parcelles, découpage de la parcelle en espace bâti ou non bâti, caractéristiques volumétriques du bâti selon l’occupation du sol et de l’espace envisagé.
Dans le contexte des travaux du Grand Paris, l’Institut Paris Région, a commencé, en 2016, à travailler sur une redéfinition de la notion d’îlot. Il s’agissait de travailler sur une double tension, née des questions écologiques :
« Tandis que la lutte contre l’étalement urbain et la transition énergétique invitent à prôner des solutions de densification et d’intensification, l’exposition aux risques et aux nuisances ainsi que la vulnérabilité au changement climatique plaident plutôt en faveur de l’aération et de la respiration de nos villes. »
La question des « îlots de chaleur » a également été un élément déclencheur pour la redéfinition de ce niveau d’analyse morphologique. L’Institut Paris Région a donc produit un premier référentiel sur les « îlots morphologiques urbains (IMU) », accompagné d’un premier atlas en ligne. L’institut a donc commencé à élaborer une typologie des îlots cadastraux de la région, basée sur 5 classes (bâti résidentiel, autre bâti, ouvert artificialisé et transport, forêt et milieu semi-naturel, espace agricoles et eau), découpée en sous-classes plus précises. On le voit, le mode de classement de ces îlots est d’emblée lié à l’occupation de leur sol. Cette première approche a ensuite été croisée avec différents indicateurs (imperméabilisation du sol, volume bâti, hauteur moyenne du bâti, végétation, densité humaine, COS, occupation des logements, âge du bâti, chaleur en ville, etc.). Ils provenaient de l’Institut Paris Région ou ont été construits à partir des données statistiques fournies par plusieurs organismes français (IGN, DGFiP, Insee). Plusieurs cartographies de ces données par îlot cadastral ont donc été produites.
L’Audiar, l’agence d’urbanisme de Rennes, connue pour sa vision de long terme en matière de planification urbaine, s’est inspirée du travail de l’Institut Paris Région pour travailler elle-aussi, au niveau d’analyse de l’îlot. Elle s’est elle aussi dotée, en septembre 2019, d’un référentiel local basé sur les îlots morphologiques urbains qui a abouti à un Atlas en ligne.
L’Institut Paris Région a développé sa démarche pour aboutir, en 2020, à un outil géomatique d’analyse des tissus urbains franciliens.
Celui présente la particularité d’articuler sa réflexion autour de deux notions : l’îlot cadastral et le Mode d’occupation du sol (Mos), développé depuis 1982 pour suivre au long court l’évolution du territoire francilien.
Chaque îlot cadastral est découpé en différentes sous-unités, définies par leur Mode d’occupation du sol.
[Insérer schémas IPR méthode]
Le Grand Lyon a lui aussi travaillé à la production d’une couche de données similaire, mais celle-ci n’est pas disponible en Open Data.
Par contre, Nicolas Ferrand, dans le cadre de son doctorat en géographie, a réalisé un inventaire des opérations de logements dans le Grand Lyon entre 1950 et 2007. Il a déposé en bibliothèque un CD avec les données géographiques produites, qu’il a également communiquées au Grand Lyon.
Le traitement de certaines couches, et la réalisation de cartes chroplètes basées sur les dates d’opérations (mentionnées dans des archives), ou à défaut sur les dates attestées sur plans, permet de visualiser partiellement les temporalités de l’extension urbaine du Grand Lyon.
Il a résumé sa démarche dans deux articles en ligne : Étude du développement de l’agglomération lyonnaise depuis 1950 et Développement et mise en œuvre d’un Système d’Information Géographique pour l’étude de l’expansion pavillonnaire dans l’agglomération lyonnaise depuis 1950.
[ Méthode et résultats à discuter]
Il faut cependant noter que, dans tous ces cas, la morphologie même de chaque îlot (sa forme, sa taille, son orientation notamment) ne sont pas pris en compte dans l’analyse. On mesure par là-même la vocation normative qui sous-tend ce type d’approche opérationnelle : il s’agit, in fine, de déterminer des zonages de documents d’urbanisme, qui feront, ensuite, l’objet d’une réglementation. L’enjeu n’est pas, principalement, de comprendre les processus qui permettent d’expliquer la répartition géographique des indicateurs utilisés. Ce n’est pas étonnant au vu des finalités opérationnelles de ce type d’organisme.
Comparer les occupations du sol
Plus globalement, la question de l’occupation du sol est au centre de nombreuses analyses urbanistiques et recherches géographiques ou urbaines. En effet, du fait du développement de l’imagerie satellite et de l’évolution rapide de l’occupation du sol, de nombreux référentiels en la matière ont vu le jour : le plus connu est Corine Land Cover, piloté par l’European Environment Agency ; il assez peu précis mais couvre l’ensemble du territoire européen. En France, l’Ign a mis au point la base de données OCS GE, plus détaillé.
Mais l’Urban Atlas, développé par l’European Environment Agency et la fondation Copernicus, est le référentiel le plus intéressant pour comparer des territoires urbanisés entre eux à échelle européenne.
L’Urban Atlas a vocation à permettre des comparaison européennes. Il ne base pas donc pas sur les données administratives ou fiscales des pays européens qui en ont des définitions hétérogènes. Il s’appuie sur une interprétation des images satellites, et ne rend donc que très partiellement compte des activités réelles sur les zones concernées. La production de différents millésimes permet de rendre compte des évolutions des territoires concernés depuis 2006. Il est bien plus précis que Corine Land Cover.
Sa principale limite est qu’il ne couvre que les Functional urban area (FUA) d’Eurostats, c’est à dire des périmètres proches des aires urbaines françaises. Il ne peut donc pas être utilisé pour analyser les territoires ruraux européens. Il est aussi moins précis que les inventaires locaux de tissus urbains tels que celui réalisé par l’Institut Paris Région ou l’Audiar à Rennes. Si ceux-ci prennent en compte certaines caractéristiques du bâti, l’Urban Atlas se contente de classer les occupations urbaines en fonction de leur degré d’artificialisation du sol, indépendamment de la morphologie ou de l’implantation du bâti (voir la documentation technique associée). Il ne distingue par ailleurs par les équipements publics des activités comme c’est usuellement le cas en France.
Les images ci-dessous des quatre plus grandes métropoles françaises ont été réalisées à partir des données fournies par l’Urban Atlas 2018.
Ce mode de représentation présente l’intérêt d’offrir une lecture relativement intuitive de l’occupation des sols des agglomérations étudiées. Il permet aussi de rendre compte de la part des différents types d’occupations du sol dans chaque cas. Il est, par ailleurs, facile à mettre en œuvre, par des personnes ayant une maîtrise basique des Sig. Il convient aussi bien aux personnes qui souhaiteraient cartographier rapidement des agglomérations européennes. L’Urban Atlas est donc une source de donnée de choix pour des architectes ou des urbanistes, bien que ces professions en fasse rarement usage. Elles sont tout aussi utiles dans un contexte pédagogique, puisqu’il n’est pas rare que des étudiants en architecture s’intéressent à des terrains européens.
Peut-on utiliser ces données à des fins qui ne seraient pas normatives, prescriptives ou pédagogiques, mais plutôt descriptives et analytiques ? Peut-on par exemple trouver des méthodes de comparaison entre des tissus urbains, qui pourraient éventuellement être réinvestis sur d’autres territoires urbains européens ? Peut-on tenter de caractériser certains tissus urbains contemporaine qui se sont constitués au fil deux siècles derniers ?
Comparer les formes urbaines
L’IGN ne fournit pas de données cohérentes sur le territoire français concernant les îlots cadastraux. Il est, en pratique, difficile, d’utiliser directement les données cadastrales fournies par la DGFiP ou par l’IGN, pour constituer des îlots cadastraux. En théorie, toutes les parcelles appartenant à une collectivité ou à l’État et correspondant au domaine public de la voirie ne devraient pas figurer dans les parcelles des jeux de données considérés. En pratique, c’est souvent le cas. Pour diverses raisons à la fois pratiques et juridiques, certaines communes ou intercommunalités possèdent des parcelles cadastrées sur le domaine public de la voirie. Il y a, par ailleurs, un problème d’inégale remontée des informations en la matière à DGFiP, puisque l’objectif des différents acteurs publics est avant tout de lever l’impôt foncier. Enfin, certaines zones fluviales ou certaines voies appartiennent, de fait, à des acteurs privés. Elles sont donc cadastrées, mais elles n’en sont pas moins, au niveau morphologique, des limites entre différents îlots.
Nous avons donc adopté deux méthodes différentes pour comparer ce niveau d’analyse des métropoles françaises.
Les données de l’Urban Atlas ont été traitées pour en extraire des îlots comparables, qui ne correspondent pas exactement à des îlots cadastraux. Pour constituer les îlots à comparer, les zones occupées par la voirie, les infrastructures ferroviaires et l’hydrographie ont été retirées. Les autres occupations du sol ont été regroupées pour former les îlots. Cette approche permet de comparer les îlots des métropoles de Lille, Paris, Lyon et Marseille sur une même base. Elle assure aussi la possibilité d’étendre la comparaison à d’autres métropoles européennes. Sa limite est son manque de précision à l’échelle locale, puisque la photo-interprétation comporte une part d’imprécision concernant les mesures de l’espace matériel. Par ailleurs, les îlots ainsi obtenus ne fournissent aucune indication sur le statut juridique de l’espace considéré. En effet, l’interprétation visuelle à partir d’une image satellite ne permet pas toujours d’identifier les limites cadastrales juridiques, qui peuvent être différentes des limites physiques perceptibles à l’œil.
Par ailleurs, les intercommunalités parisienne et lyonnaise fournissent des îlots cadastraux plus précis, qui peuvent donc faire l’objet de comparaisons locales plus spécifiques. Ce n’est pas le cas pour celles de Lille et de Marseille.
Nous avons donc choisi de procéder à deux types d’analyses, afin de mieux appréhender les caractéristiques morphologiques de notre cas d’étude, au sein d’un contexte plus large.
Ilots définis par l’occupation du sol
Surfaces et nombres d’îlots
La dispersion des valeurs est très grande pour la série de donnée constituée par les surfaces îlots des quatre agglomérations étudiés.
Entre la plus petite valeur (0,0103 ha) et la plus grande (19467,70 ha), il existe un rapport approximatif de 1 à 200 000 entre les deux extrémités de la série.
Par ailleurs, assez logiquement, le nombre de petits îlots est bien plus important que le nombre de grands îlots. La distribution des valeurs suit globalement une courbe exponentielle décroissante.
Les valeurs statistiques les plus couramment utilisées, exprimées en ha, indiquent des différences selon les agglomérations. Lille a la plus petite surface et Paris la plus grande : la surface de l’agglomération autour de la capitale est aussi importante que la somme des trois autres réunies.
| Nom | Nb | Min | 1er quant | Med | Moy | 3e quant | Max | Plage | Somme |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Lille | 23242 | 0.10 | 0.59 | 1.51 | 11.75 | 5.55 | 726.49 | 726.39 | 273191 |
| Lyon | 20738 | 0.01 | 0.53 | 1.81 | 16.48 | 8.03 | 1425.83 | 1425.82 | 341876 |
| Marseille | 13113 | 0.05 | 0.50 | 1.46 | 31.18 | 6.50 | 19467.70 | 19467.65 | 408976 |
| Paris | 72175 | 0.01 | 0.65 | 1.38 | 16.00 | 3.37 | 3274.93 | 3274.92 | 1155455 |
| 4 agglos | 129268 | 0.01 | 0.61 | 1.45 | 16.86 | 4.41 | 19467.7 | 19467.69 | 2179499 |
Les valeurs moyennes de surfaces d’îlots rendent bien compte d’une tendance générale : certaines agglomérations ont globalement des îlots plus grands que d’autres. Ainsi, le plus grand îlot de l’agglomération de Lille (726,49 ha) est bien plus petit que celui de la marseillaise (19 467,70 ha) et la moyenne pour l’agglomération septentrionale est (11,75 ha) est presque trois fois plus petite que pour la méditerranéenne (31,18 ha). Assez logiquement, la première compte beaucoup plus d’îlots que la deuxième (un peu moins du double). Les métropoles parisienne et lyonnaise se situent entre ces deux extrêmes.
Par ailleurs, la distribution des surfaces d’îlots est différente selon les agglomérations, même si elle suit, à chaque fois, une courbe exponentielle de la plus petite à la plus grande surface.
Le nombre de petits îlots est bien plus grand dans l’agglomération parisienne que dans les autres. Il y a donc une corrélation probable entre l’étendue de son urbanisation dense et la taille de ses îlots.
Même si les ordres de grandeur sont différents, l’agglomération de Lyon présente une distribution de ses îlots assez comparable à celle de Paris.
Il n’est donc pas aisé de choisir une méthode de discrétisation (c’est à dire de création de classes d’îlots pertinentes pour l’analyse et de cartographie). Ce problème de méthode de création de classes pertinentes, fondamentale pour faire des cartographies choroplètes (cartographie par plages) est documentée de longue date.
En cas de distribution très hétérogène des valeurs, il est d’usage d’utiliser, au choix, soit un découpage de classes selon une progression géométrique, soit un découpage selon la méthode de Jencks, soit un découpage selon les quantiles. Les logiciels de Sig proposent, en général ces différentes méthodes, ce qui permet de tester visuellement le résultat obtenus. Mais comme le souligne, l’article pédagogique de Phillpe Lahousse et Vincent Piédanna, dans sa conclusion, l’application de méthodes statistiques sans esprit critique n’est pas nécessairement le plus pertinent :
« Le document final soit en fait résulter d’une subtile adéquation entre le respect des caractéristiques intrinsèques à sa distribution (en particulier les paramètres de forme), la maîtrise des outils statistiques de discrétisation, la connaissance géographique du phénomène analysé et les objectifs fixés quand à l’information à transmettre. Face à la diversité des situations, aucune solutionne s’impose automatiquement. »
Nous avons donc testé les trois méthodes citées ci-dessus pour déterminer laquelle serait la plus pertinente. Cette expérimentation est disponible en annexe.
Comme la dispersion des valeurs est globalement exponentielle, c’est finalement la méthode de création de classes par progression géométrique qui nous a parue la plus pertinente, pour conserver un équilibre entre d’une part, l’analyse à l’échelle de l’agglomération et d’autre part, l’analyse plus fine des tissus urbains.
L’analyse de la distribution des données montre que celle-ci n’est pas la même selon les métropoles concernées. La présence de massifs montagneux à proximité de Marseille a des effets sur les surfaces des îlots inclus dans la métropole : certains îlots sont très grands, par comparaison avec les autres cas. La région de Lille présente aussi des îlots ruraux globalement plus petits, probablement du fait de l’histoire de l’occupation du sol à des fins agricoles. Nous avons donc choisi de diminuer les contrastes entre les valeurs claires de notre dégradé de couleurs pour permettre une comparaison visuelle entre les 4 cas analysés.
Malgré des différences entre les agglomérations étudiées, toutes ont des îlots nettement plus petits dans les centres urbains, par rapport à la périphérie. Ce constat très simple invite à creuser les relations entre taille d’îlot et urbanisation.
Si l’on cherche la valeur médiane des surfaces d’îlots pour l’ensemble des 4 cas concernés, on obtient une valeur qui peut servir de référence pour une comparaison plus fine entre ces cas. Cette approche permet de mettre en évidence visuellement plusieurs éléments.
Les centres urbains consolidés présentent un plus grand nombre d’îlots très petits ou petits. De ce point de vue, Lyon se distingue des autres communes centre par l’homogénéité des îlots situés en son centre. Cette situation particulière s’explique par les politiques de planification très volontaristes menées au cours du XIXe siècle par la Ville de Lyon, mais aussi par le rôle joué par le Hospices Civils de Lyon, qui ont largement maîtrisé l’urbanisation de la rive gauche du Rhône sur la longue durée.
On trouve ensuite à la proche périphérie des centres urbains un plus grand nombre d’îlots proches de la valeur médiane des métropoles. Plus on s’éloigne des centres urbains consolidés, plus le nombre de grands, voire de très grands îlots est important. Pour autant, dans chacune de ces zones, les tailles d’îlots ne sont pas homogènes.
On a donc deux tendances générales. D’une part, les îlots sont souvent plus petits dans les centre urbains et plus grands dans leur périphérie éloignées. D’autre part, une certaine hétérogénéité des tailles d’îlot est très fréquentes dans les centres urbains et leur proche périphérie (la commune de Lyon est à cet égard une exception). Entre les deux, on trouve des territoires intermédiaires qui ont, plus souvent que les autres, des îlots dont la surface est proche de la valeur médiane des quatre agglomérations concernées. Par conséquent, on ne peut pas baser les analyses de ces tissus urbains intermédiaires sur la recherche de régularités homogènes : il convient de prendre en compte l’hétérogénéité des surfaces d’îlots pour ce type de territoire.
On en vient donc à caractériser certains territoires intermédiaires entre les centres historiques consolidés et et la périphérie actuelles des agglomérations de la façon suivante : ils présentent plus souvent que les autres des surfaces d’îlots proches de la médiane ; mais ils se caractérisent aussi par une grande diversité de tailles d’îlots.
On le voit, cette approche permet de caractériser le cas qui nous intéresse, celui de Villeurbanne, au sein d’un ensemble plus large.
On peut, par exemple, chercher à comparer les distributions des surfaces d’îlots au sein de ces territoires intermédiaires. Encore faut-il délimiter ces territoires sur la base de critères explicites, ce qui n’est pas aisé même si l’œil y parvient plutôt bien. C’est un problème auquel se sont confrontés la géographie et l’urbanisme dans leur approche de la morphologie urbaine. Il s’agit alors moins de s’intéresser aux formes urbaines existantes, que de définir des critères permettant de distinguer différents tissus urbains pour créer des zones abstraites dont les contours sont nets, un problème de zonage en quelques sortes. Une méthode régulièrement utilisée est de créer des grilles homogènes permettant, dans un premier temps, de s’affranchir du problème de contours, afin de définir des critères. Eurostat et l’Insee on, en effet défini deux grilles conventionnelles permettant des comparaisons sur les territoires européen et français : l’une de 1x1km, l’autre de 200x200m. En ce qui concerne les îlots, la grille de 200m de côté est trop petite, certains îlots ayant une surface bien supérieure. L’intérêt de se baser sur une telle grille, c’est qu’elle permet de croiser, si besoin, les données obtenues avec d’autres données, fournies par l’Insee ou Eurostat.
Il faut cependant pouvoir choisir une valeur de référence pour chaque carré de grille. Dans le cas qui nous intéresse, on peut d’abord s’intéresser au nombre d’îlots par carré, ce qui nous donne une densité d’îlots par km2.
Cette approche permet de proposer des fourchettes selon que la zone concernée est plus ou moins proche d’un centre urbain. La densité des îlots des territoires périphériques ruraux ou semi-naturels est le plus souvent inférieure à 10 îlots au km2. Les centres urbains ont souvent une densité le plus souvent supérieure à 60 îlots par km2. Les territoires intermédiaires ont une densité située entre 10 et 60 îlots par km2. Mais on le voit sur les cartes, ces tendances n’empêchent pas une relative hétérogénéité de ces zones.
Relation entre taille d’îlot et occupation du sol
Taille d’îlot et nombre d’occupations du sol
Dès lors que les îlots sont définis à partir des occupations du sol, il est possible de compter le nombre d’occupations du sol pour chaque îlot.
Du fait même du mode de définitions des occupations du sol, il n’est pas étonnant de constater que les zones les plus densément urbanisées comportent un moins grand nombre d’occupations du sol par rapport aux zones rurales, pour lesquelles les occupations du sol sont plus diverses. Peut-on donc chercher des corrélations entre taille d’îlot et occupation du sol ?
L’analyse de la distribution des données selon les occupations du sol montrent plusieurs choses, même si ces constats n’obéissent pas à une stricte loi mathématique.
La plage des surfaces d’îlots tend à s’agrandir avec le nombre d’occupations du sol, même si ce n’est pas systématique. La surface minimum et maximum des îlots selon le nombre d’occupations sur leur sol également. Mais ces seuils sont soumis à l’existence de valeurs particulières, peu significatives. La surface maximale notamment varie très fortement. Cette situation induit des variations dans la moyenne qui la rend peu significative. La surface minimale paraît plus pertinente, car elle subit beaucoup moins de variations.
Par contre, la médiane, le 1er et le 3e quartile suivent une progression plus régulière, à tendance exponentielle, même si le 3e quartile connaît des variations plus fortes, imputables notamment à la variation des surfaces maximales des îlots. Nous parlons ici d’une tendance et non de valeurs discrètes qui permettraient de définir des seuils, soit des surfaces d’îlots à partir desquelles le nombre d’occupations du sol changerait. Mais cette tendance explique qu’à la lecture des cartes, on remarque rapidement un lien entre surface et occupations d’un îlot.
La décomposition en aires urbaines apporte cependant des indications importantes : la distribution du nombre des occupations du sol en fonction des surfaces d’îlots varie beaucoup selon les territoires.
Ainsi, la surface maximale des îlots dans une métropole ne correspond pas systématiquement au plus grand nombre d’occupations du sol (Paris : 13/15, Lyon : 10/14, Lille : 9 /12, Marseille : 18/18). Ce phénomène est en partie lié à la distribution des surfaces d’îlots à l’intérieur de chaque aire urbaine.
Les statistiques générales sont en fait très influencées par le cas de Marseille, du fait des écarts importants entre les plus petits et les plus grands îlots de l’aire urbaine, et par celui de Paris, du fait de l’importance quantitative du nombre d’îlots dans la capitale.
Par contre, la comparaison des 1er et 3e quartile, ainsi que de la médiane, rend, là encore mieux compte des tendances les plus significatives des aires urbaines analysées. La représentation en boites à moustache sur une échelle basée sur la racine carrée rend plus lisible les différences observées.


Alors que le nombre d’îlots à décroit proportionnellement à leurs surfaces respectives, le nombre d’occupations du sol différentiées tend à croître avec les surfaces d’îlots.
Taille d’îlot et nature des occupations du sol
Agrégations communales
On peut aussi s’intéresser à certaines valeurs selon les communes ou les arrondissements, ce qui permet de créer des rapprochements avec certaines données communales disponibles.
La valeur médiane de surface d’îlot par commune est aussi intéressante, même si elle a ses limites. Elle permet de repérer des communes ayant globalement des îlots de tailles comparables. Mais, on l’a vu, la valeur médiane des tailles d’îlots dépend des métropoles. Il est donc intéressant de calculer aussi pour chaque métropole, l’écart entre la valeur médiane d’une commune et la médiane de l’ensemble des communes d’une métropole. Cette approche permet de mieux appréhender visuellement la distribution des valeurs sur les territoires analysés.
Cette méthode permet de chercher d’éventuelles corrélations entre les surfaces médianes d’îlots et les dynamiques de densité de la population observées par ailleurs à l’échelle communale.
Occupation du sol
Ilots cadastraux
Sources : Apur, Grand Lyon.
Le Grand Paris et le Grand Lyon fournissent des données de bonne qualité décrivant leur îlots cadastraux. Ce n’est pas le cas pour les métropoles de Lille (données lacunaires) et de Marseille (données non disponibles). Par ailleurs, les plans parcellaires ne permettent pas de déduire directement des îlots cadastraux. En effet, de nombreuses parcelles cadastrales qui auraient dues être intégrées au domaine public et donc disparaître (puisque le domaine public est non cadastré) restent présentes sur les plans parcellaire. Nous n’avons donc comparé ici que le Grand Paris et le Grand Lyon.
L’intérêt de cette approche, c’est qu’elle permet notamment de calculer la densité parcellaire par îlot, ce qui est impossible avec l’Urban Atlas. Si la possibilité de comparaisons européennes est ici limitée, on gagne en précision sur les caractéristiques des tissus urbains français analysés.




























































